« Reclus de Monflanquin » : le procès du gourou s'ouvre lundi 24/9/2012

Publié le par Patrice Garriga

Sud-ouest Lundi 24/09/2012
« Reclus de Monflanquin » : le procès du gourou s'ouvre aujourd'hui

Thierry Tilly comparaît à compter d'aujourd'hui à Bordeaux. Le vrai mystère, c'est lui.

Thierry Tilly en novembre 2009 à Oxford.
Thierry Tilly en novembre 2009 à Oxford. (Archives Fabien Cottereau)

L'homme qui comparaît à partir d'aujourd'hui devant le tribunal de Bordeaux pour séquestration, violences volontaires sur personne vulnérable avec préméditation et abus de faiblesse dans l'affaire dite des « reclus de Monflanquin », est une véritable énigme. Thierry Tilly, 48 ans, est né à Bois-Colombes (92) dans une famille modeste. Il a vécu jusqu'à ses 30 ans chez son père, employé de la Défense nationale, et sa mère dont il était très proche. Enfant, il voulait être militaire, nous avait confié son père. Il suivit d'ailleurs une partie de sa scolarité au collège militaire de Saint-Cyr. Ce qui lui permettra de se prétendre plus tard Saint-Cyrien.

Cette aptitude à forger des légendes sur la base d'une parcelle de réalité le suivra jusqu'à son arrestation en 2009. Cet homme condamné en 2000 à une interdiction de gérer et en 2002 à un an de prison avec sursis pour abus de biens sociaux, s'est tour à tour prétendu agent secret, spécialiste en informatique, en droit international, pilote de course, d'avion…


Des talents de psychologue

L'homme est capable de se doter de tous les talents. « Plus c'est gros, plus ça marche », l'entendront souvent dire les Védrines durant leur réclusion « volontaire » dans leur château de Monflanquin, à compter de 2001. Pour rétablir son autorité sur le groupe familial sous sa domination durant huit ans, il n'hésita pas à faire porter une missive par l'un d'entre eux en avion jusqu'à New York. L'enveloppe était vide, apprendraient-ils plus tard…

Comment ce personnage assez falot, ce « passe-muraille », sans classe ni vernis, aura-t-il pu circonvenir onze membres de cette famille très bien intégrée et les pieds sur terre ? C'est tout le mystère de cette affaire douloureuse qui va, peut-être, s'éclairer durant les deux semaines de procès à Bordeaux. Tilly, qui bénéficie de la présomption d'innocence, ne comparaît pas seul. Jacques Gonzales, 65 ans, cet ancien professionnel de l'automobile que Tilly avait transfiguré aux yeux des Védrines en « grand d'Espagne », tutoyant toutes les têtes pensantes de la planète, est également renvoyé devant le tribunal. Les deux hommes sont accusés d'avoir accueilli sur leurs comptes le fruit de la vente de tous les biens des Védrines, environ 4,5 millions d'euros.

Une chose est sûre. Thierry Tilly a d'incontestables talents de psychologue. Capable de percer les failles de ses interlocuteurs et de s'y engouffrer. La façon dont il a abusé des Védrines en atteste. Les terrorisant avec des menaces imaginaires qui les touchaient droit au cœur. Jouant de leurs rivalités familiales. Flattant leurs qualités pour mieux les mettre à sa botte.

Lors de son arrestation, l'une de ses anciennes camarades de fac de droit à Assas, aujourd'hui élue d'une commune du bassin d'Arcachon, avait appelé pour faire part de sa stupéfaction. « Mais comment a-t-il pu abuser ces gens ! On l'appelait ''le Boulet''. Il n'avait aucun charisme et il était très médiocre scolairement. Il voulait être avocat ! »

Un « tyran domestique »

Au fil de la discussion, l'ancienne camarade avait blêmi en réalisant, vingt ans après, la responsabilité de Thierry Tilly dans sa rupture avec son fiancé d'alors. Le « Boulet » prenait ainsi, vingt ans après, un tout autre visage : « C'est incroyable ! Je suis en train de me repasser le film sous un jour que je n'avais jamais soupçonné » nous disait l'élue locale. Elle fut toute surprise d'apprendre que « le Boulet » avait partagé la vie d'une belle femme, Jessica, fille d'antiquaires de la rue de Seine.

Cette capacité à entrer dans la vie des autres est la clé de ce personnage. Le logeur des Védrines à Oxford, Andrew Scully, que Thierry Tilly avait failli escroquer en poussant, selon Scully, la propre fille de sa compagne à lui faire du charme, l'a décrit comme un « tyran domestique ». « Quand sa belle-fille Natacha rentrait chez elle avec une minute de retard, elle était terrorisée », s'était souvenu Andrew Scully.

Qui est Thierry Tilly ? Cet homme qui n'aime manger que « blanc » - pâtes, gruyère, riz - et qui ne rit pratiquement jamais, a mis les nerfs des juges à rude épreuve durant l'instruction. Longtemps sans avocat, il a profité de chaque audition pour palabrer interminablement. Un autre de ses talents, la parole. La prendra-t-il durant son procès ou laissera-t-il le silence s'installer entre lui et les faits ? Réponse à partir d'aujourd'hui.

Publié dans INFO GENERALE

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